L'auteur: Alain Fabre, né à Maubeuge en 1946, a enseigné le droit dans le Nord, belle région dans laquelle se situent les enquêtes de son héros, un commissaire très humain qui prend son métier au sérieux sans jamais se prendre, lui-même, trop au sérieux.
Le roman: Vengeance assassine, huitième roman de l'auteur, a été publié par les éditions De Borée en 2018. Ecrit à la troisième personne, au présent, pour plus d'immédiateté. Le style est moderne, nerveux, un tantinet gouailleur. Les phrases sont courtes, Alain Fabre va à l'essentiel, ne nuisant en rien à son sens du détail pour situer l'action. Les dialogues me font souvent penser à la patte inimitable de Michel Audiard. Le roman est découpé en 76 chapitres, donnant alternativement la parole à l'enquêteur et au tueur.
L'intrigue: Un homme, barbu et portant des lunettes fumées, abattu par balles est retrouvé près du
pont des Trous. Aucun indice, aucun témoin. Les policiers fédéraux n'ayant pas réussi à l'identifier, ils demandent le concours du CCDP. Après de minutieuses recherches, il s'avère que le mort anonyme n'est autre que Redouane Ben Diff, officiellement mort un mois plus tôt en Syrie. Cherchez l'erreur!! Dans les jours qui suivent, deux autres hommes sont abattus avec des balles de même calibre que le premier. L'affaire sent de plus en plus le règlement de compte, même s'ils ont eu lieu à Tournai, Paris et Marq-en-Baroeul. Quel point commun entre les trois victimes? Et surtout, quel mobile? Monde la police: bien documenté: une enquête menée conjointement par la police fédérale belge, la PJ de Paris ainsi que le CCDP, assurant une fonction de conseil et de soutien non opérationnel pour les services belges et français n'est pas simple à mettre en scène. Il faut tenir compte des méthodes différentes, ainsi que le contexte propre à chaque pays ou région. Alain Fabre nous conduit dans ce dédale avec compétence, même si j'avoue que, parfois, j'ai éprouvé quelques difficultés à m'y retrouver. Il fait allusion aux fichiers utilisés par la police tel que le TAJ (traitement des antécédents judiciaires), ou le FAED (Fichier automatique des empreintes digitales), décryptant pour nous des sigles et des pratiques parfois énigmatiques, ainsi qu'au personnel CaLog, des civils chargés des tâches de la police technique et scientifique.
Les personnages: Peu ou pas de descriptions physiques mais des portraits mettant en valeur les qualités humaines, les petits travers de chacun, les compétences. Gérôme Piens: inspecteur principal de la police judiciaire de Tournai; origine italienne. Commissaire Baudouin Schooier: du CCDP, police fédérale; 25 ans. Commissaire Dezuiwer André: chef de la PJ de Lille; 45 ans, gentil, professionnel, un peu bourru; marié, un enfant; ne joue jamais les chefs. Karine: lieutenant de police de l'équipe du commissaire Dezuiwer; 25 ans; championne en arts martiaux; manie l'humour et la dérision avec tact. Dujardin: collègue de Dezuiwer, doyen de l'équipe, originaire de Riom, en Auvergne; flic de grande valeur, manie la plaisanterie lourde et les jeux de mots "à deux balles" pour ne pas se laisser submerger par la dureté du métier. Benzaïr: membre de l'équipe de Dezuiwer; très discret, excellent enquêteur doué d'un sens de l'analyse étonnant, capacités d'observation, de mémorisation, capable de relever la moindre contradiction dans les témoignages. Jean-Michel Tavaux: journaliste; peu scrupuleux, capable d'user de tous les moyens pour obtenir des informations; petit, râblé, presque chauve, sourire commercial, regard fuyant.
Les lieux: Alain Fabre ne s'encombrant pas de descriptions inutiles, ils distillent les détails à petites doses, notamment concernant la ville de Tournai, l'un des principaux lieux de l'intrigue: "Face à lui, il admire, comme à chaque fois, le beffroi qui est le plus ancien de Belgique et le sommet des cinq tours de la cathédrale. A sa droite, la Halle aux Draps. Elle reproduit, dans ses grandes lignes, la façade de l'hôtel de Ville de Gand. L'édifice s'est écroulé en 1881, mais a été fidèlement reconstruit à la fin du XIXe siècle." (Page 26).
En conclusion: Alain Fabre nous offre ici un bon polar, nerveux, très agréable à lire, avec des personnages très attachants et une intrigue qui tient debout. Belge de naissance, il éclaire notre lanterne sur les spécificités des langues et de l'identité de son pays, rappelant à nous lecteurs français, peu au fait de ces questions, que la Belgique est avant tout un pays que nulle séparation entre Flamands et Wallons ne devrait déchirer. Le -: l'humour de comptoir, les plaisanteries un peu lourdes revenant un peu trop souvent dans les dialogues. Le +: dans la vie, rien n'est simple. J'ai apprécié le fait que les personnages ne soient ni complètement méchants, ni béatement gentils. Il montre que les criminels sont souvent pris dans un engrenage auquel, pour diverses raisons qu'il ne nous appartient pas de juger, ils ne savent ou ne peuvent résister. Il s'agit de comprendre et non d'excuser leurs actes.
Citations: "Il est si facile de faire croire à ses électeurs que le problème, c'est l'autre!" (Page 30). "Dezuiwer et ses compagnons ne sont pas insensibles. Ils s'obligent à ne pas prendre à cœur ces scènes sordides. Il faut rester froid autant que possible et laisser l'émotion en dehors du travail." (Page 129). "Il s'est ensuivi une sorte de solidarité de caste. Sans doute aussi parce que l'ancien gendarme est sympathique et qu'il a un regard franc. Cela ne veut rien dire. Si les criminels avaient la tête de l'emploi, on le saurait et cela simplifierait le travail de la police." (Page 198).
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